Ils ont déraciné les arbres de notre jardin. A quelques dizaines de mètres de la maison un tas de terre, de racines et de cailloux s’offre à la vue des curieux. Sur la place, deux énormes bens, l’une remplie de blocs de béton, l’autre à moitié pleine de déchets mélangés qui proviennent du « terrain vague » où des familles d’immigrés cultivaient fruits et légumes.
La famille R ne se laisse pourtant pas impressionner. Le trax posté sur la place depuis des semaines et les visites de plus en plus fréquentes des architectes et constructeurs n’ont pas eu l’effet escompté. La guerre psychologique a échoué. Fiers et têtu Monsieur R et famille tiennent bon.
Il y a bientôt trente ans que nous habitons la demeure qui appartenait à l’époque au patron d’une fonderie qui produisait des rails pour les chemins de fer. Lorsque nous emménageâmes, la bâtisse de trois étages avait été squattée quelques temps et la plupart des fenêtres étaient endommagées. Pendant les décennies qui suivirent Monsieur et Madame R investirent argent et main d’œuvre dans la rénovation de la maison.
Aujourd’hui la route de la Fonderie 32 est la seule survivante d’un complexe industriel. Sur la place il y avait autre fois deux hangars. L’un brula et ne fût pas reconstruit, l’autre vient d’être démoli. A la place du hangar détruit par les flammes poussa une forêt drue qui bloquait la vue des curieux qui depuis la route guignaient vers le jardin. Nous étions encore à l’abri des regards. Maintenant à l’heure du méga projet immobilier, c’en est fini.
Trois tours d’appartements et un garage sous-terrain vont être construits là où s’étendait hier encore un verger sur lequel quatre cerisiers, cinq pommiers, un cognassier, un abricotier et un prunier ainsi que des framboisiers et muriers ravissaient années après années habitants et visiteurs de la maison.
La route de la Fonderie est une route qui aujourd’hui vit une densification démesurée. Sur le verger et ce que nous appelions le « terrain vague » sera bâti le Parc de la Fonderie. En face de la salle de concdrt « Fri-Son » et du transformateur d’antan – aujourd’hui le restaurant Ben&Léo et un espace de co-working à la Fonderie 11 – quatre immeubles pour étudiants sont en construction.
Les espaces verts sont en voie de disparition, à leur place le béton, le verre, l’acier prennent le dessus. Et qu’en est-il de l’infrastructure ? Comment tous ces nouveaux habitants se rendront-ils au centre-ville ? Certainement pas avec le petit bus qui s’arrête au bout de la Route des Cliniques avant de retourner à la gare. Que deviendra l’ancienne voie de chemin de fer de la Landi (aujourd’hui la tour Soprano) ? Personne à Fribourg n’a plus l’audace de réfléchir à une ligne de tram qui passerait sur ce vieux tronçon et pourrait relier la gare à Marly. Dans des villes de taille supérieure comme Zurich, Bâle ou Genève on ne construit pas un nouveau quartier sans planifier une ligne de transports publique, une école, un nouveau centre commercial etc.
Le futur n’est pas rose et certainement pas très vert. Les belles années passées dans le jardin seront bientôt plus qu’un souvenir lointain. Fini les nuits sous tente, les grillades, les longs diners, les récoltes de framboise, la cueillette des cerises, le ramassage des pommes pour en faire du jus, les petits chemins dans les hautes herbes, les fêtes, les crises aussi ; les jours du verger sont comptés.
Heureusement pour nous, la maison est entourée de jardins. Sur son côté nord restera un petit bout de terrain cultivés jusqu’à peu par un couple de retraités espagnols. C’est là que nous pourrons à l’avenir passé du bon temps. Flanqué à droite par la voie désaffectée du chemin de fer et potentiel tronçon pour une ligne de tram et à gauche par l’axe principal des CFF, soit la ligne Genève–St. Galle.

Bel article qui résume bien le non-sens de ces constructions qui engloutissent la nature, l’échelle humaine, la joie des partages au vert! Pourquoi déraciner et casser si tôt avant le démarrage de la construction? Pourquoi ne pas conserver les arbres, leurs richesses de récoltes, de ressourcement, de régénération et d‘équilibre? Tant d‘absurdités!!!
Des enfants ont eu la chance de grandir dans cet environnent bucolique, d‘apprécier et de connaître la valeur de cela pour la transmettre peut-être sous d‘autres formes. Les souvenirs de ces moments précieux vécus et partagés, de ces rires et tempêtes qui tissent la vie, ceux-là ne seront détruits par aucun bulldozer!
J‘en garde de beaux souvenirs!
Merci Raphaël pour ce bel article!
Le deuil est à faire et le nouveau à créer pour chacun…
Le début d’un nouveau livre!
Le début de jardins différents, de nouveaux partages et de poursuivre la ronde des rires, des fêtes etc…
Bel été!
Merci Dominique pour ce sympathique commentaire :-*