Baden aller-retour @ Fantoche 20

Le 8 septembre je suis allé voir des films d’animation au festival pionnier en la matière: Le Fantoche Animationsfilmfestival de Baden, en Argovie.

J’ai commencé mon après-midi par un bloc de courts-métrages sélectionnés par Annette Schindler, ancienne directrice du festival et ma cheffe lors de mon stage en 2013. “Annette’s All-Time Favourites” étaient pour la plupart truffés d’allusions érotiques et résolument féministes voir de tendance queer, cf. «Solar Walk» dont les êtres extraterrestres sont asexués voir exactement identiques.

«Solar Walk», réalisation: Réka Bucsi, DK 2018, 20 min 55 sec

Quoi que je sois un homme qui se dit homme, donc cis, j’ai une sensibilité particulière pour les histoires de coeur gay voir bisexuelle. Alors voir des femmes se masturber mutuellement ou se plaindre de leur maris/compagnons et d’être enceintes ça me parle moins mais les histoires et personnages étaient tellement bizarre et exagérés que je ne pus m’empêcher de sousrire, voir éclater de rire. Une pensée particulière va à la conductrice de tram dans «Tramvaj» de Michalea Pavlátová (CZ 2012, 7 min 49s): une femme au gros seins, astiquant les leviers dans son habitacle de conductrice comme des verges et imaginant les érections de ses passagers – une troupe d’hommes aux chapeaux et vêtements gris – cachés derrière leur journal.

Tramvaj

Comme souvent mon film préféré attendait à la fin du bloc ce qui n’est pas étonnant car comme me l’avait enseigné Annette Schindler à l’époque, chaque programme doit avoir un point culminant et c’est une bonne chose que le dernier relève un peu l’humeur des spectateurs. Dans ce cas il s’agissait de «Moms on Fire» (SE 2016, 12 min 50 s) de Joanna Rytel dans lequel on voit deux mamans enceintes comme mentionné plus haut qui se plaignent de leur état et dont un bambin encore dans ses couches joue le narrateur omniscient. Une perle d’animation en pâte à modeler!

Mom’s on Fire

Place aux long-métrage de la soirée: «Interdit aux chiens et aux italiens». Le film qui avait fait l’ouverture de la Piazza Grande de Locarno cet été. Son réalisateur, Alain Ughetto est d’origine italienne de part ses parents mais a un accent du sud-ouest (si je ne me trompe). Présent avant et après la projection il a essayé de répondre aux quelques questions d’un présentateur au français fédéral et avait amené sur scène deux personnages du film: “Cesira”, sa grand-mère paternelle et son grand-père “Luigi”.

Le film raconte l’histoire de la vie dure de travailleurs transalpins forcés de quitter leur Italie natale pour aller construire des tunnels (le Simplon notamment), des barrages ou faire la guerre en Libye. Fuyant l’Italie fasciste, Luigi et Cesira traversent les Alpes pour rejoindre la France. C’est là-bas qu’après des années de dur labeur ils purent acheter une maison et des terres qu’ils nommèrent “Paradis”. Presque tous survécurent à la Grande Guerre de 14-18 – seuls deux enfants périrent des suites de maladie ou blessure. Le récit familial est truffé d’humour et ne sombre jamais dans le pathos alors que certains faits furent tout à fait tragiques : comme l’explique “Cesira”, ils manquèrent de larmes pour pleurer les morts de la Guerre ou de la grippe espagnole qui fit des ravages dans le village, les aléas du destin et surtout la situation médico-sanitaire précaire à l’époque.

Pour clore ma visite de cette vingtième édition du Fantoche, rien de tel qu’un bloc de court-métrages en compétition internationale. J’ai opté pour le bloc numéro 1 – des histoires de famille, de non-dits, de malaises, de deuil et des films plus abstraits dont un chinois où les habitants d’une mégalopole sont des mannequins de vitrine. Mon favori était sans étonnement le dernier: «Au revoir Jérôme», un film co-réalisé par trois étudiant.e.s de l’école des Gobelins, Adam Sillard, Gabrielle Selnet, Chloé Farrraconte qui racontent l’histoire d’une quête d’un amour perdu. Nouveau-venu au Paradis, Jérôme, personnage aux chaussures montantes à la mode des années 80 cherche sa petite-amie Maryline. Sa recherche le mène de fête en fête, où des créatures bigarrées plus ou moins réalistes dansent, fument, discutent. Le film a d’ailleurs remporté le Audience Award du festival.

Au revoir Jérôme

Finalement je me dois de mentionner le très sombre «Steakhouse» de Špela Čadež (Slovénie 2021, 9 min 30 s). La réalisatrice y raconte l’histoire d’une femme dont le conjoint vexé par son retard a laissé le steak grillé sur la poêle jusqu’à devenir de la semelle carbonisée. La manière dont se tait la protagoniste et laisse son salaud de mari la maltraiter est accablante. Špela Čadež dresse le portrait impitoyable de sa mère avec laquelle elle a une relation conflictuelle depuis bientôt 35 ans, dit-elle avant la projection. Le récit est sous-tendu d’empathie pour se personnage féminin qui en fin de compte retrouve la langue, pas la sienne mais celle de son mari, sur le sol de la cuisine – il l’avait mordu en mastiquant le steak carbonisé – et décide de la griller à point.

Steakhouse

Vous trouverez tous les lauréat.e.s du festival ici.

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