Alors que la Cinémathèque Suisse programme une série de films sud-coréens avec entre autre une projection de «Parasite» de Bong Joon-ho qui a remporté l’Oscar du meilleur film et après avoir vu «Decision to Leave» de Park Chan-wook à Fribourg l’été dernier (maintenant en salles en Suisse-alémanique) on se demande ce qui fait le succès de la Corée du Sud sur le marché mondial du cinéma d’art et d’essaie.
«Retour à Séoul», est un film touchant au scénario sensible et au longues prises qui laissent le temps aux émotions les plus refoulées de surgir à la surface. Freddie, une française dans la vingtaine à l’apparence coréenne revient dans le pays dans lequel elle est née et a été donné à l’adoption. Sa venue à Séoul n’était pas prévue, explique-t-elle à sa mère adoptive sur Skype, il n’y avait tout simplement pas d’autre destination atteignable en Asie pendant ses deux semaines de vacances.
Dès son arrivé à l’auberge de jeunesse, Freddie se lie d’amitié avec la réceptionniste dont la mère est professeur de français et qui maîtrise parfaitement cette langue. Cette dernière lui présente son petit-ami et les trois sortent ensemble. Dans un bar, Freddie, au bénéfice d’une éducation musicale, leur explique le “déchiffrage”, soit le fait de jouer un morceau à partir d’une partition qu’on lit pour la première fois.
Et c’est ainsi, sans attendre et la tête la première que Freddie se décide à prendre contact avec ses parents biologiques. Elle se rend au centre Hammond qui est à l’origine de milliers d’adoptions et reçoit une réponse favorable de son père biologique. Les retrouvailles ont lieu dans la ville où réside le père, remarié, accompagné de sa mère et de sa soeur qui parle un peu anglais. C’est l’ami coréenne, la réceptionniste, qui traduit pour Freddie.
Des moments lourds, une ambiance de plomb, des larmes de culpabilité, des textos agaçants et des irruptions de danse et de folie s’ensuivent. Freddie revient deux ans plus tard. Elle parle un peu coréen cette fois et semble s’être fait un cercle d’amis dans la culture underground. Elle reviendra encore cinq ans plus tard avec son petit ami français, Maxime, et encore une fois après. C’est là qu’aura lieu la rencontre avec sa mère, une scène bouleversante d’intensité, tellement le moment est inespéré et tardif.
Davy Chou, cinéaste franco-cambodgien, pose un regard observateur et sensible sur sa protagoniste qui a du mal avec les larmes, celles des autres mais surtout les siennes. «Retour à Séoul» est une co-production majoritairement française à l’allure coréenne et peut-être que c’est bien à l’étranger que le cinéma d’auteur d’inspiration “française” peut encore nous surprendre. Un peu comme «Hiroshima, mon amour» (F 1959) d’Alain Resnais ou «Indochine» (F 1992) de Régis Wargnier.
Ce film, sélectionné à Cannes en 2022 dans la section “Un certain regard” prend le pouls d’une jeunesse coréenne en plein effervescence. A travers sa protagoniste, un cheval de Troie français en Corée, comme la décrit un amant plus âgé, nous découvrons un pays dont la cinématographie est riche mais se cantonne bien souvent aux films de genre (thriller en tête). Cette mise en scène sobre et un choix de comédiens qui crèvent l’écran, nous donnent envie d’aller en Corée du Sud pour de vrai cette fois et de goûter au raviolis et boissons dont s’enivrent Freddie et surtout son père biologique.